La reine de toute.

par lolmaquerelle

Je me promène en ville pis le monde est pressé comme du simili poulet, mais moi j’ai compris quelque chose attends je te raconte. Je trouve ça ben hot de penser qu’on cohabite ensemble monsieur madame tout le monde et que je vous connais pas, le monde, pis que tu me connais pas, le monde, pis que j’ai toute la vie devant moi pour te connaître, le monde, pis ça ben ça me rend gonflée, on dirait que mes pas sont plus légers, même si l’hiver approche pis qu’une madame où je travaille quand je lui ai apporté son assiette elle a dit : «Ouin ouin ouin, ils se sont pas forcés pour la présentation», je m’en sac’. Elle, elle se pense au Ritz peu importe où elle va, elle commande une quiche au poulet-céleri et elle aimerait que ça ressemble à un tartare de saumon espagnol, J’SUIS OK AVEC ÇA MOI, enfin quelqu’un qui se prend pas pour du balloney, on a trop tendance à se prendre pour du balloney, faut arrêter de se prendre pour du balloney. Après ça je lui ai servi un café à la madame et elle a m’a empêchée du regard de m’en aller parce qu’elle voulait tester (devant moi) si son café était assez chaud, mais aye j’avais peur qu’elle me le pitch dans face si y’était tiède, mais elle là, no way balloney hen, elle est carrément du gigot d’agneau elle je pense dans sa tête, tant mieux, c’est presque beau à voir, la reine est parmi nous, je suis toute en faveur de la monarchie, ce serait niaiseux de pas la laisser exercer son autorité suprême sur la température du café, rendue chez elle peut-être qu’elle a parlé de moi à ses conseillers royaux, moi ça m’a pris deux secondes la regarder grimacer elle a fini par dire : «Ouin ok, y’est correct», je suis retournée faire mes tâches de pauvre en arrière, je suis le peuple, la plèbe dans sa tête, c’est PARFAIT. J’ai ramassé sa tasse plus tard en soirée et j’suis allée dans le backstore l’embrasser un peu, d’un coup que ça me porte chance, aye je niaise pas avec ça, baiser papal/kiss-kisser la tasse d’une reine, même combat, elle elle sait pas qui je suis et elle me classe dans les gueux parce que je lui sers son café, je trouve ça cool parce que la même soirée, mon prof de math de secondaire 4-5 est venue prendre son REFILL à la caisse et elle m’a reconnue, je l’ai vue calculer dans sa tête l’âge que j’ai, ça pas pris deux secondes qu’elle a catché (4-36/5-36) que j’étais pas «sensée» être là, elle m’a fait un beau sourire quand même, plus tard encore dans cette soirée quand même cool pour un lundi, j’ai dit à ma collègue : «Moi je m’en fous, j’aime quand même ça passer le balais avec toi en ce moment.» Elle avait pas trop l’air de comprendre, mais pour moi ça voulait dire beaucoup, après ça mon boss m’a parlé de son chien chez le vétérinaire et j’ai ressenti de l’empathie, je pense que c’est rare ressentir autant d’émotions dans une journée alors je pense que c’était une belle journée, avec du beau monde et que pour une des rares fois dans ma vie, j’avais pas envie d’être ailleurs. Faut juste trouver un endroit au monde ousser que nous-mêmes on se sent des reines, mais des reines tout le temps, genre qu’on passe le balais comme des reines pis qu’on ressent de l’empathie envers notre peuple, un endroit ousser que le monde il t’invente des vies dans sa tête pis que tu t’en fous parce qu’après ça tu retournes chez vous pis t’as le cœur plein d’émotions que t’avais même pas pensé vivre cette journée-là.

La reine de toute

On va devenir un peuple de reines parce qu’on va accumuler une piastre par émotion ressentie.

Photo : Christian Quezada