À relire dans 10 ans en riant.

par lolmaquerelle

Salut, j’espère que tu vas bien, moi ça va bien, je pense. Je sais que tous les deux à un certain moment de notre vie on a douté que ça se puisse, mais je te jure, je pense que je vais bien au complet. J’ai pensé à toi tantôt pour la première fois depuis très longtemps, je remplissais les paniers à godets de lait à ma job et notre chanson est passée à la radio.

C’est même pas une vraie chanson en plus, notre chanson, c’est ça qui est effrayant, c’est genre une chanson inventée dans un film, reprise par un gars après le film, je savais même pas qu’elle se pouvait en dehors du film, mais j’ai entendu nos paroles, c’était drôle.  Au début je l’écoutais sans porter attention, pis finalement j’ai catché que je connaissais toutes les paroles de notre toune de une minute cinquante-cinq secondes, c’est même pas un format standard, faudrait que j’appelle Rouge FM pour leur demander qu’est-ce qui s’est passé, penses-tu qu’ils vont la refaire jouer? Pis pourquoi ils l’ont mise aujourd’hui ? J’écoute pas Rouge FM en général, peut-être que si j’avais encore vingt ans je penserais que c’est un signe, pas dans le sens qu’à vingt ans j’étais épaisse, juste que dans ce temps-là, je voulais voir des signes partout qui m’auraient reliés à toi.

En ce moment, j’ai aucune idée de ce que tu fais, avec qui tu es, à qui tu parles, si ta sœur va bien, c’est qui tes amis, c’est où t’habites, je pense que t’es rendu avec une filleule ? j’invente un peu, je sais rien je te dis. Je sais que t’as une blonde, est smatt et je trouve ça cool pour vrai que vous soyez ensemble, je me doute de ton repas favori, mais sérieux je mettrais pas ma main au feu pour défendre c’est quoi ton repas favori, mettons si j’allais chez Subway, je pourrais vraiment pas commander à ta place, j’aurais peut-être un bon condiment sur trois, j’sais pas, haha j’avais jamais pensé à ça. Je trouve ça drôle de penser à toi, des fois le monde me dit : «PIS LUI LÀ en as-tu des nouvelles ?» Ben la réponse c’est non, c’est fou han moi en tout cas j’aurais jamais cru ça possible. Dans mon ordi j’ai un dossier qui s’appelle : «À relire dans 10 ans en riant», c’est des conversations qu’on avait eues dans lesquelles t’étais particulièrement agressif, je les avais enregistrées en me disant que sûrement un jour j’en rirais. Ça fait pas 10 ans c’est sûr, mais on dirait pas que je vais en rire un jour, je l’ai relu un moment donné et maudit qu’on était tristes et qu’on se le disait pas, je pense que c’est ça qui était drôle, si drôleté il y avait.

C’est tellement vedge de penser qu’un jour, toi, t’étais tout ce que j’avais. Pas dans le sens que tu méritais pas de représenter tout ce que j’avais, c’est dans le sens que maintenant, je suis très loin de tout ça, ben je dis «je», je veux dire «nous» sommes très loin de tout ça. Haha. Nous. Mon Doux. On avait des surnoms, on avait une journée de la semaine qu’on mangeait des choses spécifiques qu’on aimait les deux, on avait notre place dans le lit, on avait des amis communs, on avait des insides, on avait un char chacun avec une déco qui nous rappelait l’autre dans notre pare-soleil, on avait des envies de l’un de l’autre, des noms prévus pour nos enfants, des photos de nous ensemble dans des cadres chez nous, dans ta chambre chez tes parents y’avait une feuille où j’avais écrit : Mes règles dans ta chambre la première règle, je me souviens, c’était : M’embrasser tendrement dès que je franchis le seuil de cette porte. Fuuuuuuuck, c’est cute.

Là ce qu’on a ensemble, c’est un dossier qui s’appelle «À relire dans 10 ans en riant» et aussi une photo de nous deux derrière une autre photo dans un cadre que j’ai dans mon salon, mais c’est pas mal ça, j’ai perdu la lettre que tu m’avais écrite qui était le seul souvenir le fun que j’avais décidé de garder de toi un moment donné que tu m’avais fait particulièrement suer (oh que c’est poli dire suer).  Ayoye, j’ai l’impression de t’avoir rêvé, des fois. Depuis quelques années, quand je parle de toi, faut que je contextualise mes interlocuteurs, parce qu’ils te connaissent pas.

AUSSI JE VEUX TE DIRE QUE MAINTENANT J’AIME LES ANIMAUX. JE TE JURE, mais sûrement que malgré ce nouvel intérêt, j’aimerais quand même pas ton chat. Non, désolée. Ohhhhh ça, impossible. Je pense qu’il est mort ? j’invente je te dis, je sais rien. Shit c’est fucké.

La dernière fois qu’on s’est vus, ça fait déjà deux ans, je crois. En fait je le sais là ça va faire 2 ans en avril. T’avais rien perdu de tes tics, t’avais rien perdu de ton regard fuyant, t’avais rien perdu de ta voix, t’avais rien perdu de tes jokes, t’avais rien perdu de, bon ok je vais le dire, ta belle face. Moi, je me souviens que j’étais très nerveuse parce que je pensais que je te connaissais pus et que finalement quand t’étais devant moi, je réalisais que je la connaissais, cette jambe droite qui se faisait aller en dessous de la table, je le connaissais encore, ce regard qui passe du coq à l’âne 36 fois par minute, cette voix faussement posée qui demande rienk à faire des crescendos de temps en temps quand tu t’énerves pour rien ou quelque chose, pis ta face de crasse, ben elle, elle change pas on dirait t’sais.

La dernière fois qu’on s’est parlés vraiment, c’était je me souviens même plus quand, mais ça fait très longtemps. Tu m’avais appelée pendant la nuit, j’avais répondu, encore endormie, comme si c’était normal que tu m’appelles à ce moment-là, à cette heure-là, comme quand tu m’appelais pour me dire que t’étais arrivé chez vous quand on avait pas passé la soirée ensemble, ou comme quand je t’appelais, un peu saoule pour te dire que je t’aimais toi et que c’était important que tu le saches, toi, et que la soirée était le fun, mais moins vue que toi t’étais pas là. J’avais dit: «Allouuuu» et on avait jasé je pense comme cinq-dix minutes, on dirait que tu savais que c’était LÀ LÀ qu’il fallait qu’on se parle, pas avant ni jamais après. On n’avait aucune inhibition, je te parlais doucement en faisant des jokes de dodo avec ma voix de dodo, t’aimais ça, tu renchérissais de douceur, tu me demandais comment avait été ma journée, je te la racontais, tu me parlais de ta fin de session, on disait tellement rien concernant le sort du monde avant ou après nous, on se parlait comme si on avait jamais arrêté de le faire, on a raccroché parce que je travaillais tôt le lendemain, je t’ai dit bye bye avec ton surnom d’amour au bout du bye bye et tu m’avais répondu la même chose avec mon surnom d’amour à moi au bout de ton bye bye. Encore aujourd’hui, j’ai l’impression d’avoir rêvé cette conversation-là, mais je sais que non, elle m’avait fait tellement de bien. C’était notre appel nocturne secret, on pouvait continuer notre vie chacun de notre bord après comme si de rien était, notre appel de réconfort nous prouvait qu’on s’était pas rêvés. Tu disais toujours que j’étais pas une vraie méchante parce que quand tu me réveillais la nuit, j’étais trop gentille, tu disais qu’une vraie méchante est méchante même dans son sommeil. On n’était pas deux méchants, mais on se voulait du mal un peu, je pense. C’est correct, c’est fini, je serre pu jamais les dents quand je pense à toi.

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Sauf que toujours pas envie d’en rire.