Mon amie vraiment chanceuse.
par lolmaquerelle
– On va te prendre un réchaud, ma belle, avec le sujet duquel on jase, on va en avoir de besoin.
– Ah ouin, les gros débats ‘a matin, attendez donc au moins qui soit neuf heures… (ma répartie matinale)
– On parle de vieillesse, tu peux pas comprendre toi, tu penses que t’as la vie devant toi, tu penses que ça t’arrivera jamais, vieillir, tu penses que tu vas avoir ces pommettes roses-là toute ta vie, tu penses que y’a rien qui va descendre, que tout va rester à sa place.
– Ok.
– Ouin c’est ça, tu penses que ça l’arrivera jamais hen tu penses que y’a rien qui va t’arriver, tu te penses invincible, tu penses que tu vas être jeune toute ta vie toi hen.
– Ok.
J’ai une amie qui va rester jeune toute ma vie, elle va avoir 17 ans toute ma vie, la chanceuse. Toute ma vie, elle aura des hautes pommettes roses, tout restera bien en place à sa place. Ses cheveux seront toujours blond bébé, ses belles bouclettes redescendront jamais. La fille, tellement chanceuse qu’elle aura jamais à remplacer ses piles dans son MP3, elle aura jamais à payer pour downloader sa musique, elle aura jamais à changer son adresse e-mail pour qu’elle fasse professionnel, elle aura jamais à se forcer pour aller à Pâques dans la famille de son chum, pas de conversations à Noël sur ses choix de vie avec du monde qu’elle connaît à peine, pas à se lever pour faire du 9 à 5, pas de couches à changer, pas de boss qui la fait chier, pas de collègues à remplacer, pas de métro à prendre à l’heure de pointe. Ses seins; toujours durs et ronds et hauts, ses fesses même chose, ses yeux deux grosses billes vertes au milieu de sa peau de face lisse comme une couverture de livre neuf, son bras jamais mou quand elle dit bye bye, elle décevra jamais personne, elle se décevra jamais elle-même non plus. La chanceuse.
Pas de bière dans un parc au printemps, de rendez-vous-café improvisés en après-midi avec ses cousines, pas de regards remplis de sous-entendus avec sa mère, pas de jeux de société avec ses colloques jusqu’aux petites heures du matin un mardi soir, pas de paires de billets gratuits surprises pour un band qu’elle adore, pas de films bien enveloppée dans une doudou, pas d’odeur de feuilles mouillées à l’automne, pas de fous-rires incontrôlables, pas de bains, pas de douches, pas de festivals, pas de neige, pas de chalet, pas de BBQ, pas de pantoufles, pas de baignade, pas de rides de char pour revenir de quelque part, pas de collage de foufounes sur son chum avant de s’endormir, pas de marche à prendre pour se rendre nulle part, pas de sieste, pas de smootie, pas de fin d’exercice, pas de samedi matin avec rien de prévu à l’horaire. Elle aura jamais à bercer personne, elle aura pas à border qui que ce soit, elle aura jamais à voir son père pleurer de joie. La chanceuse.