Mon ami Peter.
par lolmaquerelle
Salut, je sais que c’est un été un peu poche pour toi (pas dans le sens que moi je trouve ton été poche, c’est juste que je sais que toi, tu le trouves un peu poche à première approche faque je dis que c’est un été un peu poche pour toi, tka t’as compris).
Tous tes amis postent des espèces de photo de voyage sur lesquelles ils ont les bras din airs, les cheveux dans le vent, un sourire plus gros que ta panse, t’en demandes même pas autant tu voudrais juste deux petites secondes pour toi, faire autre chose que ton lavage pendant tes journées de congé mais tu peux pas faut que tu travailles à la sueur du front de ceux qui en ont tout le tour de la tête, je sais. Des fois on travaille on sait plus trop pourquoi, mais on sait que c’est la chose à faire faque on le fait, des fois aussi on se dit : Côliss ousser qui le prend son argent lui côliss, en pensant à notre ami qui est toujours rendu au Vietnam Cambodge Surinam Minnesota name it pis que quand il revient il se tappe une petite vacance chez ses parents au Lac Memphré pour se reposer de son autre vacance pis moman lui fait du thé glacé plus-que-fait maison genre fait à la main de la part de moman parce qu’elle est fière de son chérubin pis des noms d’exotisme qu’il lui rapporte à énumérer à ses amies.
Ayoye j’ai ben de la haine contre le lac Memphré je m’excuse, c’est pas pour ça que je t’écris. Je t’écris aujourd’hui parce que je veux te parler de mon ami Peter. J’ai mis du temps à l’appeler mon ami Peter, mais maintenant que c’est fait, mon ami Peter ça sonne ben trop ben c’est sûr que j’arrêterai jamais de le dire. Mon ami Peter, c’est un gentil géant qui a choisi, à un moment donné de sa vie, d’être heureux, mais je te le jure là, heureux tout le temps. Pis il me l’a pas dit là, je l’ai deviné, je l’ai deviné plein de fois de suite qu’il avait pas toujours été celui qu’il est, mais que là, l’heureux bonhomme que je connais, il l’est pour de bon. Des fois je me questionnais à savoir si son bonheur m’importunait, pis la réponse ben c’était non parce que Peter c’était un vrai heureux faque il faisait pas chier avec le fait qu’il l’était, il l’était, juste, pis ça lui suffisait.
J’ai connu mon beau grand ami Peter l’an dernier à mon travail, c’est lui qui m’a formée. C’était mon formateur. La journée a commencée par lui qui se penche vers moi (géant je l’ai dit tantôt) et qui me demande : T’es prête à ce que je te bombarde d’informations??! J’ai répondu oui. Un petit oui timide des premières journée de travail qui a rien à voir pentoute avec ton oui que tu réponds genre à ton coloc quand il te demande pour la 14e fois ton chèque d’Hydro en fin de session. Toute la journée qui a suivie, il me bombardait d’informations, j’avais envie de dire : Calme toi mononc !!!! mais je disais rien ça aurait été con je lui avais dit que j’étais prête. Sur son chandail, c’était écrit : Peter the Butcher. Je travaillais dans les cuisines d’un resto et étant donné que c’était sa fête le jour même de mon embauche, il a fait une tarte à la viande pour tout le monde.
-Take your slice, it is my birthday!
-Thank you, Peter!
-Myyyyyyy pleassuuuuuureee! (Voix de baryton-ténor style)
J’ai oublié de dire qu’il s’était apporté un chapeau de fête qu’il portait fièrement en attendrissant sa viande avec son gigantesque marteau. Il attendrissait sa viande sur une petite table posée sur une table parce que les tables normales étaient trop basses pour lui, avec son chapeau de princesse de Disney. Première journée de travail accomplie, le gentil géant me demande mes impressions, je pogne mon bike et je me dis que j’étais pas si pire, genre d’affaire rare une première journée de travail.
Je commençais à travailler à 7:00 faque des fois j’avais un petit peu de difficulté à commencer ma journée parce que j’étais un peu en criss que mes colocs commencent à travailler à 9:00 genre (quand on a envie d’être en criss on se trouve des raisons han on est tous pareils inquiète-toi pas). Peter arrivait vers 7:30 sur son grand vélo de géant, il le stationnait derrière le restaurant comme si c’était un chopper. Il mettait sa calotte de travail, se tappait dans les mains, les frottait fort fort entre elles, se penchait pour que je puisse le voir entre deux tablettes de la passe et disait : Goooood morning!! How are you? Je pouvais pas m’empêcher de sourire, même si tout le reste du matin je sacrais à l’intérieur, je disais: I am good, Peter, how are you?? Et il répondait des trucs du genre : Awesome, Terrible, Greeeat avec cette même voix tonitruante de tarte à la viande qu’il allait chercher dans son nombril. Des fois avant qu’il arrive je me disais : je vais lui dire que je vais pas bien, il doit savoir que je suis en maudit contre l’équipe du soir qui a tout fait son close tout croche. Une fois je lui ai dit, il a ri, il a dit : So, what are we going to do with that? Je savais pas quoi répondre je voulais juste chialer pour chialer, je voulais rien faire moi, j’avais rien à faire, c’était la faute de l’équipe du soir, je voulais que l’équipe du soir fasse quelque chose!
Des fois pour me reprendre de mon pas beau bonjour comparé au sien, je lui faisais un café qu’il acceptait avec un grand sourire dans sa grosse barbe de géant, il me disait des affaires comme que j’étais great, que j’étais awesome, ça te start bien une journée. Il me demandait toujours ce que j’avais fait la veille, comme si j’avais eu une journée de congé. Au début, je disais : Rien. Et là il disait : Oh, that’s sad! Je comprenais pas ce qu’il voulait que je lui dise, je travaillais avec lui de 7:00 à 18:00 pis il faisait comme si rendue chez nous j’avais pas juste envie d’être frue du fait que je travaillais encore le lendemain à 7:00. Lui y’avait toujours quelque chose à dire, souvent, ça incluait Roseline, sa femme. Souvent, c’était des estiques de niaiseries comme que Roseline lui avait montré comment utiliser quelque chose sur son ordinateur, ou ben ils avaient regardé des photos ensemble, ou ben y’avaient jouer aux Dominos pis y’avait gagné. J’étais contente pour lui, mais quand même, y’a des estiques de limites au small talk que je me disais.
Dans ses pauses, Roseline venait le voir, il s’acotait sur quelque chose de plus bas pour être à sa hauteur ou bedon elle se perchait sur une caisse et ils se cruisaient des yeux. Je sais ben pas ce qu’ils trouvaient à se dire, mais ils riaient souvent. Des fois elle venait le porter au travail très tôt le matin et les deux avaient les cheveux encore mouillés de la douche.
Rapidement, j’ai trouvé quoi dire à Peter, je lui contais les films que j’avais écoutés, on en parlait en cuisinant, j’avais moins l’impression de travailler. Des fois je rentrais avec une giga liste de choses à faire qui me faisait faire des palpitations. J’allais en parler à Peter et il m’aidait à l’organiser, même qu’il m’aidait tout court à la faire des fois. Rendu au soir, quand je pensais pas avoir fini avant encore des longues heures, il me montrait les fonds de gâteaux qu’il avait faits sans que je m’en rende compte et je savais ce que ça voulait dire, mais il le criait quand même : You!!!! Get out of here!!!! J’ai compris à ma dernière semaine de travail que Peter, c’était mon patron. Il me l’avait jamais dit. Il me l’avait jamais fait sentir. C’est sa belle blonde qui me l’a dit. Tous les autres chefs cuisiniers avaient Chef d’écrit sur leurs vêtements de travail, pas Peter, la hiérarchie, ça l’intéressait pas. Peter y’avait choisi un moment donné quelque chose comme la simplicité contente ou le bonheur tranquille de paix heureuse j’sais tu, une affaire de même de mots qui en renchérissent un autre. Le staff dans un resto, ça va, ça vient. Ça fait chier souvent. Un jour j’ai annoncé mon départ à Peter, il m’a dit que j’allais lui manquer et m’a aussi dit que son nom, ben c’est Pete, mais qu’il aimait que je l’appelle Peter. J’ai pointé son vêtement et en même temps j’ai réalisé que c’était écrit Pete the Butcher, no Peter, no? No.
Depuis mon ami Peter, j’ai continué à travailler dans des restaurants, avec tout ce que ça implique d’affaires gossantes et stressantes, mais j’ai toujours essayé de faire en sortes que le monde avec qui je travaille ait jamais l’impression qu’on était pas une team. C’est ça, je pense, choisir la paix tranquille heureuse calme.
Pis souvent quand on choisit ça, l’été est plus léger et agréable pis nous aussi on a envie de crier les bras din airs même si on est pas genre au Machu Picchu genre.
Photo : Christian Quezada