Se mettre dans la schnoutte.

par lolmaquerelle

 

J’ai déjà fait trois jours de char pour aller planter ma tente dans un verger de cerises avec deux de mes amis. Pendant ces trois jours de voyagement, on a dormi dans des cours de Wal-Mart pis bu du café dégueulasse de petites stations d’essence qui disaient qu’ils offraient du café pour emporter, mais que le café venait dans un verre de styromousse sans couvercle faque dans le fond aussi ben dire que je me suis brûlé les cuisses, la langue et un peu les doigts pendant trois jours v’là deux ans. C’est ça j’ai fait, v’là deux ans. Pis sérieux je le referais n’importe quand.

 

J’ai quitté mon appart où il y avait un poêle, un frigo, une laveuse une sécheuse une douche, des amis sur le party pour aller vivre dans une tente avec d’autres de mes amis pis me coucher en même temps que le soleil parce qu’on se levait à 4 :00. On dormait pas tous dans la même tente parce que des gars ça pue quand ça a chaud, pas moi. Ah moi vraiment vraiment pas. Tellement pas que c’en est gênant pour les autres………………………………… tka.
On avait un bruleur comme poêle et une glacière large comme mon portable en guise de frigo, une voiture plus vieille que nous quatre réunis pour nos déplacements.

 

À mon retour, j’ai raconté mon magnifique périple à ma coiffeuse qui revenait de ses vacances à Vigas. Elle m’a dit : «Voyons donc ma tsite cocotte coquette crotte que t’es allée te mettre dans’ schnoutte de maiggnne».

 

Se mettre dans la schnoutte.
Emprunter pour s’acheter une tévé, un char, se faire faire des ongles c’est ce que moi, personnellement j’appelle ;

Se mettre dans la schnoutte.
Essayer le crystal meth (even once)…
Voler une banque…
Croire que le gars que tu connais depuis deux heures qui dit : moi tka j’suis clean…

 

Sauf que.
Aller me sacrer dans une tente pendant deux mois, y’a rien qui ressemble moins à se mettre dans la schnoutte que ça, je pense. Voici donc en primeur, l’étendue de mes arguments que je me suis pas mise dans la schnoutte. Schnoutte. Schnoutte. Dis schnoutte sans rire :

– Une fois, les tentes ont pris l’eau, j’ai torché à grandeur, les autres filles qu’on avait rencontrées là-bas sur le verger croyaient que les gars m’avaient emmenée pour les torcher, elles se disaient que je faisais pitié un peu, sauf que HA HA pendant ce temps-là; les gars sont aller m’acheter du subway pour me récompenser d’avoir torcher l’eau, j’étais contente (sauf que y’avait des olives noires j’aime pas tant ça). Pas convaincu? Ok pas de panique je continusse.
– Après trois semaines, on est allés sur un autre verger que le nôtre, le vergeur (j’sais-tu moi) eee mettons tenancier de verger est venu nous reconduire à des vraies toilettes en quatre roues, parce que Jules et moi on avait envie de pipi. En fait j’avais envie de pipi et Jules voulait prendre une pause de cueillir des cerises pourries parce qu’en vérité, qu’on se le dise pour lui le monde entier est une toilette. LÀ, on a trouvé un miroir, on s’est regardés longtemps dedans on se disait : «Toi? Penses-tu avoir changé?» On se regardait l’un et l’autre, nos vêtements, nos visages. Pas se regarder dans le miroir comme il faut pendant des semaines, qui qui fait ça? Bon je mentirais si je disais qu’il y avait pas un miroir dans le char, mais la vérité c’est aussi que je pensais même pu à me regarder en général. J’avais l’air de ce que je pensais avoir l’air. T’sais comme quand t’es dans ton lit pis t’imagines un nouveau mix pour deux de tes vêtements, mais que finalement le lendemain quand tu l’essaies tu vois que ça marche pas? Bon c’est ça, sauf sans l’affaire que ça marche pas. Tka.
– J’étais fâchée de me voir bronzée dans le miroir, j’avais mis de la crème solaire pour la peau c’est important. C’est le genre de sujet qui faisait qu’on se pognait en gang des fois je disais : «Marc, si tu restes au soleil faut que tu mettes de la crème» il s’en foutait! OH BEN LE PETITE SALIGAUD (déf. saligaud : personne sans aucune moral) ça me mettait hors. de. moi! Je disais BEN C’EST ÇA ARRANGE-TOI. Y s’arrangeait là, il s’en foutait aussi ouais il s’en foutait je m’en souviens. Des classiques conversations que le monde dans la schnoutte a? Non.
– Un moment donné j’ai trouvé de l’électricité dans une petite cabane, après avoir branché mon Ipod deux heures ben je m’en foutais d’avoir trouvé de l’électricité.
– J’avais apporté plusieurs t-shirts; j’en ai porté deux en alternance soleil et nuages avec toujours le même top de sport rouge en dessous. On faisait des jokes sur mon top de sport à la fin, savoir combien d’autres spécimens vivants vivaient dans ce top de sport rouge-là. C’ÉTAIT FUNNY.
– Je me couchais à 8-9 heures, avec ma frontale je lisais un livre que j’avais trouvé sur une table de livres à donner, le sujet c’était la formation de groupes de résistance en Russie sous Nicolas II. Des affaires de même de monde dans schnoutte.
– Je déjeunais deux Breaktime à l’avoine avec une banane. Pendant mes jours de congé, j’allais manger des bonnes toasts chaudes avec un café en ville pis j’exagérais sur la confiture gratis.
– J’ai rencontré des filles nices pis après deux menutes on avait des insides comme si on s’était toujours connues. Quand je les croisais au village j’avais le même sentiment que si je croisais mes meilleures amies d’enfance.
– Quand il faisait chaud on se crissait les pieds dans le lac.
– Quand il faisait froid pis que ça nous réveillait la nuit, on en profitait pour abriller les autres.
– Le soir le monde jouait à des jeux trouvés dans un sous-sol d’église (j’étais pas exclue, j’aimais mieux flatter le chien yo).
– Y’avait un gars sur notre verger, y’était accro à toutes les drogues possibles, on comptait au compte-gouttes les chances qu’on y donnait, on se racontait entre nous des affaires qu’il nous disait avoir fait dans sa vie, on sait pas si on le croyait parce que si on le croyait, ben lui, c’était un vrai fouteur de schnoutte, nous on était des recrues schnoutte comparées à lui.
– Y’avait un gars il parlait juste anglais, des fois on oubliait d’y parler en anglais, il jouait quand même aux cartes avec nous autres, pis il gagnait le cochon d’anglo! pis on le félicitait parce qu’on est juste des petits côliques de yesman! Bin non on le félicitait parce que y’était bon aux cartes le petit Jon Jon.
– On avait une guitare à la gang, chacun sa classique toune.
– Des fois on s’engueulait pour des conneries tellement connes pis c’était la fin du monde parce qu’il fallait régler ça entre nous, y’avait personne d’autre que nous pour gérer ça, pis aussi on avait nulle part d’autre où aller se réfugier faque là on allait se visiter d’une tente à l’autre en parlant pas fort parce qu’une tente c’est pas ben épais, quand il pleut on s’en rend compte et quand les autres font l’amour itou.

C’est vrai que c’était souvent la fin de notre monde, mais je comprends les vieux de dire que le soleil se lève quand même les lendemains de fin du monde. Y’a aucun vieux qui m’a jamais dit ça, mais j’imagine quelqu’un qui se berce me le dire. Des fois Phil me tappait sur les nerfs, je l’aurais tué, pis j’y tappais aussi vraiment sur les nerfs faque là y s’inventait des commissions à aller faire en ville je me disais : BEN C’EST ÇA! Va-t’en donc (essssssssstik de Phil). Quand j’entendais le char revenir j’étais énervée je l’aurais frencher j’avais envie de lui dire «abandonne-moi plus jamais comme ça».

– J’ai eu froid.
– J’ai eu chaud.
-J’ai pris ma douche quand il faisait encore soleil parce que ma douche c’était un boyau d’arrosage faque si le soleil se couchait tu pouvais pas te laver à moins que t’étais le gars accro aux amphétamines (le jeu c’était de guesser lesquelles selon ses agissements).
– J’ai fini de m’essorer les cheveux et tout le monde a ri, y’a dit : Haha! Tes cheveux!
– J’ai répondu : Toi! Les tiens!
– J’ai mis la table pour le souper sur une couverte.
– J’ai joué à : «quand tu vas mourir, avec ton corps je ferai».
– J’ai été déçue de devoir jeter notre pain qui avait pris l’eau.
– J’ai eu vraiment froid.
– J’ai eu vraiment chaud.
– On s’est engueulés encore parce que j’avais pas racheté le pain le moins cher.
– On a fait trente minutes de char pour aller faire notre lavage ailleurs que dans un sceau, je me suis acheté un smootie pis même si la veille on s’était engueulés parce qu’il voulait pas mettre de crème solaire, j’ai donné des gloues à Marc parce que y’était hango pis je trouvais qu’il faisait pitié.
– On buvait deux bières pis ça nous donnait envie de se dire des secrets parce qu’on avait l’impression qu’on reviendrait jamais à Montréal.
– Un moment donné j’ai mis du mascara parce que je voulais me sentir sexy.
– Avec
Mon
Mascara
Me
Sentir
Sexy

Phil a dit : «Wow cuuuuteeee t’as mis du mascara wowowowowowow». J’ai rougi.

 

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Être dans la schnoutte dans vie je pense que c’est justement l’inverse c’est quand tu mets pas de mascara et que le monde dit : Yo ça va tu?