Mon dernier chef-d’oeuvre.
par lolmaquerelle
On dirait que je suis contente de constater que c’est plus moi tout ça, que c’était peut-être moi, mais que c’est terminé. J’accepte que ce soit arrivé et chaque jour que je l’accepte, ça continue de se terminer.
On se dit toujours que ça va passer en fait on se le fait dire plus souvent qu’on se le dit soi-même, mais on y croit pas et la vérité, c’est que toute cette peine qu’on ressent limite on la trouve belle je pense, on l’entretient, elle nous tient compagnie, elle est un bon prétexte, un bon lien qui nous unit encore aux troubles, au faux-égo, à un semblant de certitude.
On me disait que le temps arrange les choses et sérieux je me souviens pas d’avoir plus eu envie d’envoyer chier du monde de toute ma vie que quand on me disait que les choses se tassent, que la vie continue, que des fois, y’a des maux qui arrivent de façon snobinarde et conne et que ces maux-là sont nécessaires à notre bon, à notre mieux en tout cas. J’aurais pris toute cette petite brise que tout le monde pensait me gonfler les voiles avec et je l’aurais crissée au boute de mes bras. Ouais. Crisser une brise au boute de ses bras. Tu m’en crois pas capable? Je sais ben que moi-même j’en aurais pas été pas capable, je me souviens de ma mollesse et de ma pesanteur là-dessus t’as un point sauf que l’affaire, c’est que cette peine-là était capable en esti, c’était la peine la plus game que t’auras jamais vue de ta vie, c’était la peine la plus élaborée que j’avais jamais construite, je la préservais de toute ce qui aurait pu lui arriver de disgracieux. C’était mon œuvre, notre œuvre, notre lien. Le feeling de se dire que notre peine, c’est l’affaire la plus fiable sur laquelle on peut compter. Ouin. Elle pesait sur mon cou par secousses presque prévisibles, elle me tiraillait toute le dedans, mes tempes étaient des petits fossés vides de chaque côté de ma tête remplie de plein de riens compliqués qui alourdissent, je regardais toujours par terre je me souviens même pas d’un seul nuage ou d’un seul rayon de ce temps-là je me souviens du bitume je me souviens de l’asphalte mouillée. C’est toute.
Ma peine m’empêchait de juste marcher dans la rue quand je marchais dans la rue, mais elle faisait tout ça pour moi, elle m’empêchait de faire des trucs, m’en faisait faire aussi beaucoup, je calculais des affaires que j’aurais jamais pensé calculer, je la voyais comme une acolyte je pense, je pourrais la dessiner si elle pouvait se contenir en une page, en un tableau, si elle était moins texturée. J’ai pas encore tous mes outils qui sont de retour aussi, peut-être qu’un jour je te la gribouillerai le temps d’une chanson, mais faudrait que ce soit dans un bon moment où j’arriverai à me persuader que c’est pas parce que je réussis à me l’imaginer avec exactitude qu’elle est revenue. Parce que des fois j’y rêve, ouin des fois j’y cauchemarde, c’est encore un exercice de me convaincre que c’est pas parce que je l’entrevois qu’elle est là pour rester. Oui des fois je la vois encore, ce serait niaiseux que je fasse comme si non. Je la salue pour me flatter dans le bon sens, je me répète tout ce que j’ai fait depuis cette peine, je me sens capable, surtout et peut-être même pour de bon.
Je me souviens, je marchais dans la rue, il y avait pu jamais juste moi qui marchait dans la rue, il y avait quelque chose au dessus de moi qui faisait que c’était plus possible pour moi de juste marcher dans la rue, je marchais pu jamais juste dans la rue, je me rendais en quelque part ousser que la destination importait pas parce que c’était pas aussi simple que ça en a l’air pour tout le monde autour, marcher dans la rue, pour moi. Marcher dans la rue c’était la fin de toute, peu importe où j’allais je m’éloignais, je me voyais, je m’abominais. Des fois je suis bien quand je pense que je me suis jamais craché dessus. Ouin. Peut-être que ça m’aurait fait du bien. Je veux pas y penser.
Aujourd’hui j’ai fait des choix ouin c’est niaiseux tellement c’est simple han mais j’ai fait des choix et là je me rends compte que je marche dans la rue et que je fais juste marcher dans la rue tu comprends tu le feeling de juste marcher dans la rue ? Sans thème ni cocus mon amour de peine je fais juste marcher dans la rue et c’est tout ce que je fais. Je prévois marcher dans la rue et c’est ce que je fais ; marcher dans la rue. J’ai rencontré quelqu’un par hasard l’autre fois on a discuté un peu peut-être qu’on a partagé deux trois journées je me souviens mal, il m’a dit que j’étais belle, j’ai continué mon chemin parce que j’avais pas envie de me faire trouver belle par un voyageur des petits chemins, pas maintenant, une autre fois peut-être, là je suis trop concentrée à me trouver moi-même une destination.
T’sais des fois j’arrive même à me trouver pertinente. Je me dis ayoye c’est pas con mon affaire. Pis après je me sens même pas dégueue d’avoir ressenti de l’empathie pour moi-même, de l’estime. Pis après ça je continue de marcher. Juste marcher. Esti.
Merci.
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