Qu’on se désole, qu’on se désole.

par lolmaquerelle

Bon faque c’est ça il veut pas te le dire faque je vais te le dire moi-même. Y’a rencontré quelqu’un pis ben nous deux c’est fini. Moi j’ai pas honte de le dire lui je sais pas pourquoi il veut garder ça secret peut-être parce qu’il sait que les mois qui s’en viennent pour moi vont être rough pis longs pis tabarnaquement dégueulasses sur plein de niveaux faque il se dit que s’il attend avant de l’annoncer il va peut-être pouvoir faire semblant que c’était pas de sa faute, mais oui c’est sa faute pis vue que je l’aime j’y ai dit que j’allais pas le dire, mais là fuck off on est samedi soir c’est l’enfer être toute seule un samedi soir à garder un secret dont on veut même pas être au courant du secret nous-mêmes esti. Il dit qu’il veut prendre son temps pour l’annoncer tranquillement mais bof à soir je m’en côlisse de lui je veux qu’il aille en enfer j’ai calé du vin toute seule pis je braille des fois, mais souvent j’arrête parce que j’ai peur qu’il arrive. À soir c’est moi qui a l’appart t’auras deviné. Demain faut que je sois partie pour midi pour qu’il vienne chercher ses affaires esti que c’est dégueulasse j’en reviens pas comment c’est dégueulasse je vais faire quoi moi à midi esti aller téter un café sur Beaubien sûrement comme une grosse épaisse. J’ai pas envie de le voir parce que j’ai peur d’y cracher dans face, mais en même temps j’ai envie de le voir parce que j’ai envie de le flatter pis d’y chuchoter: «Fais-moi pas ça, fais-nous pas ça viens t’asseoir je veux pas savoir c’est qui mais en même temps parle-moi d’elle parle-moi de son sourire compare-moi à elle toi-même, dis-moi tout de suite ce qu’elle a que j’ai pas comme ça quand je vais me comparer à elle je vais savoir quoi me répondre s’il-te-plaît fais-moi pas ça fais-nous pas ça.»

J’ai peur de le tuer Caro comprends-tu ça j’ai peur de le tuer.

Il m’a dit que c’était pas moi évidemment, mais je le sais que c’est moi sinon tu voudrais que ce soit quoi? J’aimerais ça que tu sois là pis que tu lui parles, mais en même temps je sais que y’a rien à faire il est parti mon amour est parti. Tantôt je me suis cachée dans le garde-robe pour pleurer parce que je veux pas que les voisins m’entendent pleurer je veux pas que les voisins sachent que c’est fini nous deux on dirait que moins de personnes le savent moins que ça existe. Faque je me dis que c’est peut-être pour ça qu’il veut pas en parler tout de suite, mais en même temps je sais que c’est pas le cas parce qu’il s’en va chez elle. Il s’en va chez elle faque je sais que c’est vraiment juste par égoïsme qu’il veut pas que ça se sache tout de suite c’est même pas parce que ça se peut qu’il revienne, c’est vraiment juste parce qu’il assume rien.

Il a bien fait sa tromperie il m’a dit qu’ils s’étaient même pas encore embrassés wow est-ce que j’aurais du lui dire merci? Je me demande. Faque moi je suis ici on est samedi soir et je sais qu’il l’embrasse peut-être en ce moment pour la première fois. Des fois je m’imagine qu’elle embrasse mal pis qu’il pense à moi pendant, parce qu’on se disait souvent qu’on embrassait bien les deux ensemble et qu’on embrassait pas si bien avant de se rencontrer pis qu’on avait upgradé notre manière d’embrasser ensemble. Maintenant ça veut rien dire tout ça. Faque il l’embrasse, il commence une nouvelle manière d’embrasser avec elle peut-être au moment où j’écris ces lignes-là. J’aimerais ça que tu sois avec moi j’aimerais ça que quelque chose puisse me faire du bien j’aimerais ça m’éteindre pendant six mois pis me rallumer juste après pis que la vie ait passer pis que j’aie pas été dans la vie pendant ces six mois-là. Je sais que tu comprends, mais j’ai toujours envie de répéter comprends-tu Caro comprends-tu?

J’ai peur de pu jamais être moi-même j’ai peur là si tu savais comme j’ai peur. Lui pis moi c’était lui pis moi. Je sais je dis des évidences mais crime dans ma tête lui pis moi ça veut dire tellement que de juste écrire lui pis moi ça évoque tellement. Lui pis moi. Nous autres. Chez nous. Juste ces mots-là ont tellement d’impact dans mon cœur. J’ai envie de parler de mon organe de cœur parce que c’est vrai que j’ai mal au cœur c’est vrai que j’ai le cœur gros j’ai l’estique de gros cœur de pogné dans gorge depuis hier pis des fois il me monte din yeux mais souvent je l’ai juste dans la gorge. Pis y redescend. Pis y remonte. J’ai appelé mon père tantôt pour y dire. Il le savait juste quand j’ai dit salut. Y’a dit : «J’suis désolé mon bébé.» J’ai entendu dans sa voix toute la peine qu’il avait eue quand ma mère l’a laissé pis y’a rien trouvé à dire y’a rien à dire à un amour perdu on dit je suis désolé pis on le pense vraiment parce que c’est de la désolation. Ma mère a laissé mon père quand y’avait quarante ans pis mon chum me laisse quand j’en ai vingt-six. Mon père a raccroché pis je me suis sentie mal de y’avoir fait revivre ça.

Accueillir du monde chez nous en peine d’amour de monde dans la vingtaine esti je les écoutais je leur faisais un thé je les écoutais encore ça m’a jamais fait chier j’imaginais tellement bien qu’est-ce que ça me ferait s’il s’en allait que je prenais toute au sérieux après ça j’allais me coucher je me collais les fesses sur lui pis je disais bonne nuit mon amour. Bonne nuit mon amour parce qu’il allait être encore là demain, mon amour, pis je compatissais avec les amours perdus mais je me virais de bord pis le mien était là esti que je peux pas m’imaginer sans mon amour. Sans son amour. J’ai même pas l’impression que je peux être quelqu’un j’aimais tellement son amour j’aimais tellement ça qu’il soit là pour vrai c’est basic mais j’adorais ça qu’il soit là pis aussi tantôt comme une épaisse je me suis lavé les cheveux avec son shampoing pis là tout ce que je sens, c’est lui, dans ma grosse crisse de robe de chambre laide. Je me suis habillée en-dessous de ma robe de chambre d’un coup qui reviendrait à soir en me disant que finalement a l’embrasse mal.

Pis j’y écris des lettres. Quand on a commencé à sortir ensemble. J’y écrivais des lettres d’amour. L’année passée j’y ai demandé qu’est-ce que je pourrais faire pour le reconquérir si jamais on se laissait. Il m’avait dit : «Écris-moi une belle lettre et je vais te revenir.» J’y en ai écrit douze depuis hier.

Je perds la tête, Caro. Je m’excuse de te pitcher ça de même. Je te réécris demain pour des jokes peut-être. Pas ce soir, je suis désolée. Je suis toute désolation ce soir. Avec mon kit qui sert à rien, en-dessous de ma robe de chambre. Donne-moi un peu de tes nouvelles, s’il-te-plait. Je vais te relire en boucle demain toute la journée. Que tu me parles de toi ça peut juste me faire du bien. Je veux plus jamais parler de moi. Je veux m’oublier pour un bout. Fuck toute la bullshit de prendre du temps pour soi pis d’apprendre à s’aimer. Je m’aime quand y m’aime. C’est dégueu han, mais c’est ça. M’aimer sans lui, ce sera pour une autre vie. J’ai vécu deux vies la nuit passée tellement elle a été longue. Compté de même c’est sûr ça va plus vite. J’avais pas fini d’y donner mon amour. Je vais continuer de l’aimer longtemps, tanpis pour lui, criss de cave. Toutstamour-là gaspillé, mais j’ai honte de rien. L’aimer c’est ce que je fais de mieux.

Je vais pas me mettre à m’haïr pour ça aussi sinon j’ai pas fini. J’servirai l’humanité une autre fois.

Crédits photo : Christian Quezada