J’ai pas d’enfants.
par lolmaquerelle
Salut mon tchi coeuw, comment tu vas?
Je sais que t’as encore le réflexe de dire bien, même si je le sens chaque fois que je te vois que c’est un peu l’inverse, pas le contraire, juste l’inverse, t’as pas la baboune, mais t’as le sourire à l’envers, la gorge dans les yeux, les oreilles en dessous des bras, la tuque dans les pieds et si tu t’écoutais, le cœur sur la céramique froide à’ journée longue dans le portique chez vous. Je sais pas si le ménage chez vous est fait, je sais pas non plus la dernière fois que t’as pris ta douche sans qu’un deux ans te regarde ni te supplie de faire ça vite, je sais pas ces trucs-là, mais je les devine.
J’ai pas d’enfants, mais je suis une femme comme il y en a d’autres, comme il y en aura toujours, une femme que vos enfants dérangent pas, dérangeront jamais, pis je trouve ça important de te le répéter. Ben sûr si ta quatre ans est dans mon chemin pendant que je marche pour aller à la job, je vais la trouver gossante, mais c’est pas contre ton enfant, ce serait n’importe qui d’autre qui déciderait de sacrer les breaks devant moi sur mon chemin vers la job, y’a des journées oussé que je la contournerais en m’en rendant même pas compte, y’a des journées oussé que j’ai les dents un peu plus serrées déjà depuis le matin pour mes tits bobos à moi pis là ben ta quatre ans pis sa morve sur son cache-cou je les trouve donc ben inappropriés de pas avoir de plan d’avenir qui se tienne, mais, t’auras compris que rendu là, dans ces conditions-là, c’est moi et juste moi qui est à blâmer, jamais votre rythme, jamais vos efforts pour vous rendre à destination, jamais votre volonté d’être sorties prendre l’air, jamais tes aptitudes à être une bonne maman. Je pourrais dire la même chose aux papas, mais la vérité c’est que je les trouve encore pas souvent là quand je vous croise dans la rue, le chignon qui pendouille, la volonté égratignée sur l’asphalte, les mitaines du petit entre les dents.
J’ai pas de conseils à te donner parce que personne a de conseils à te donner. Pis quand je dis ça, je veux dire PERSONNE. À moins que tu en demandes. Si jamais tu reçois des « avis » qui sont déguisés en « conseils », je vais te le dire, t’es même pas obligée de faire semblant d’écouter, pis si un moment donné je suis témoin de ça pis que je t’entends dire : « J’ai pas demandé de tes conseils » ben je te le jure bien droit haut et fort que je vais te backer, je vais dire : « Ma foi, c’est bien vrai, elle n’a pas réclamé de conseils, bien vouloir les remballer et quitter. » Je veux juste te dire ceci : Trussssttte-toééé ma TOÉÉÉÉ! Comme si on décidait de monter veiller à Montréal un mardi soir juste parce que, dans le temps qu’on avait même pas de GPS. On riait, on essayait, on recommençait. On se rendait pas toujours à destination, mais crime, comme copilote de l’époque, je tiens à dire que je suis encore vivante et que j’ai eu du fun en crime (j’avais écrit esti, mais avec ce qui suit, je l’ai supprimé parce que je trouvais que je sacrais beaucoup).
TOUT CELA DIT, de mon humble point de vue, c’est certain, côliss de tabarnak (oups je m’emporte) que tu te sens non-stop inadéquate quand, pour relaxer, tu scrolles down sur des six packs de fitmoms, des ongles roses juste l’asti de bonne teinte qui existe juste chez la fille qui fait des ongles pour mille piastres pis qui mène une vie de diva en offrant deux crisses de disponibilités par semaine entre 10 et 11 les mardi et mercredi, des ongles longs comme des deux par quatre qui ont l’air d’avoir jamais torché une seule paire de : « MAMAN VIENS M’ESSUYER LES FESSES » de toute leur vie, des ongles roses de la parfaite couleur mate qui fitte donc ben avec son tit manteau pis sa tuque à pompom vegan. Je juge pas les passe-temps de personne icitte, je juge pas Internet, je juge pas les influenceuses, celles-là font leur travail d’Internet et moi j’essaie de faire ma job d’amie. Moi, ce que j’ai à cœur, c’est toi, ma mignonne. C’est toi qui m’intéresse, ton bien-être derrière ton mascara que tu te mets vite vite avant que j’arrive parce que t’as peur que je trouve que t’as l’air fatiguée. Check ben, m’as te le dire tusuite, je trouve TOUJOURS que t’as l’air fatiguée, mais pas pour les raisons que tu penses, juste parce que quand t’es pas là, je pense à toi, je pense à toute cette pression (ouais j’ai le temps de penser à toi parce que je dors huit heures par nuit…) je pense à toi pis à quel point ça doit être épuisant pour toi d’avoir toujours à portée de main un petit outil vraiment pointu pour te fracasser le crâne avec, pour te comparer, pour te contraire-de-rassurer dans tes pas de géantes dans la maternité, pour mieux arriver à te convaincre que t’as pas réussi comme les autres, que leur maison est donc top notche, que tes sourcils sont donc ben pas assez fournis, que tes cils sont trop courts pis que ton trois ans dit pas assez de mots même si EN PLUS il est même pas développé moteur.
Je m’ennuie des enfants qu’on prend tels quels dans le présentoir à imperfections, qu’on apprend à connaître tranquillement, qu’on revoit souvent, ou pas. Je m’ennuie que ça crie pis que ça dérange les grébiches. Je cherche les enfants partout où je vais, je veux m’asseoir avec eux et voir ce qu’ils ont à me raconter avec leurs phrases trop longues avec leurs pauses interminables. Je m’ennuie leur sens de l’humour, un sens de l’humour imprévisible qui devient tout à coup super prévisible dès que tu ris une fois à une de leurs blagues. Je suis quand même chambranlante dans mes tentatives de connexion avec les p’tits des fois, pardonne-moi si je regarde trop longtemps, si mes actions sont lentes à décoller, j’apprends moi aussi jour après jour à dealer avec ces petits humains.
J’ai pas d’enfants mais je tenais à t’écrire aujourd’hui pour que tu dises à tes semblables mères que toute une armée de femmes sans-enfants-qui-aiment-les-enfants est en train de se former, le mot se passe, on est sur le point de prendre d’assaut toutes les villes du monde avec un minimum de bon sens, dis à tes chummes qu’on est nombreuses et aimantes, que vous pouvez sortir de votre tête et de votre salon, qu’on est là pour vous backer. On peut vous tenir les portes, vous aider avec la poussette, moucher le nez si affinités, patienter pour traverser la rue parce qu’on va pas crever d’attendre deux secondes, poser des questions sans avoir d’arrière-pensées, faire des sourires honnêtes quand y’en a un à terre qui décide de se faire aller le trop-plein, garder les soirs de semaine si ça vous tente de prendre le char pis aller j’sais-pas-où parler d’affaires d’adultes, aider avec les devoirs, arriver plus tôt à la maison si on décide de sortir pour que tu puisses te faire des frisettes si t’as envie de t’en faire sans avoir peur que quelqu’un tire sur le fil du fer de pas en bas.
Entre les médecins, les fitmoms, ta belle-mère, ta sœur, ta belle-sœur, ta mère, ta voisine, la pédiatre, le psy de ton amie qui-fait-dire-que, il y a toi, toujours toi avec tes intuitions, tes envies, tes projets.
Tout ça pour dire, fuck les autres côlisse!
Signé : la fille pas d’enfants qui sacre encore, mais jamais après tes enfants.